D… ET LE D…
Antoine RANC
Le besoin de maîtriser une population n’échappe ni aux professionnels, ni aux associations, pas même aux altruistes autoproclamés, proclamation prenant des aspects variables selon leurs auteurs.
C’est pourquoi se réunissent périodiquement toutes sortes de congrès, colloques ou symposiums, pour débattre de cette âpre question, au cours desquels les échanges entre orateurs sont singulièrement durs chacun étant assuré de détenir une vérité, supérieure à celle présentée par un condisciple. Hors séance des débats, chaque clan réunit les siens pour élaborer des objections aux thèses qui anéantiraient la sienne.
Le sujet à traiter se détermine sans trop de heurts, mais pas qui inviter, car les ego à ménager ne manquent pas ! Accessoirement la réponse à cette question détermine le lieu du débat, une salle des fêtes sera jugée indigne de leur qualité par ceux qui se voient comme des excellences, un lieu trop somptueux irritera les économes voire les impécunieux.
Notre société veillant à combler tous les besoins, un lieu satisfaisant se trouve d’autant que rien n’oblige plus les participants à venir avec leur suite, tels ces cardinaux de jadis qui se rendaient aux conciles avec 700 personnes pour les plus superbes.
Demeurent des sujets épineux qui se traitent en tête à tête, car la discrétion leur sied mieux que la médiatisation.
Dieu et le diable confèrent régulièrement de la répartition des âmes entre enfer et paradis sans jamais en divulguer la quantification effectuée qui demeure réservée à eux seuls, ce qui ne les contraint guère aucun n’ayant intérêt à la révéler.
La « Divine comédie » a rapporté le peuplement voire le surpeuplement de l’enfer et du paradis ; ultérieurement Jérôme Bosch a illustré les propos de Dante ici le calme et la sérénité là l’angoisse et l’horreur ; si talentueusement que bien des siècles après esthètes et lecteurs admirent toujours leurs œuvres.
L’hermétisme du mystère n’a jamais été percé bien que des légats des protagonistes affirment savoir lesquelles de nos idées et actions nous conduiront au paradis sinon en enfer au cas où nous n’écouterions pas leurs prônes, réitérés depuis 2000 ans, sans que cela n’ait provoqué la mutation génétique qui les dispenserait de les ressasser.
Dieu et le diable étaient admiratifs devant la fertilité de l’humanité et la croissance de sa population et se réjouissaient de nous accueillir au terme de notre passage terrestre, lorsqu’une visite conjointe et routinière de notre planète leur fit prendre conscience que notre nombre pourrait leur poser un problème d’hébergement d’ici peu.
Sur le chemin du retour la nécessité d’un débat sur le sujet leur apparut. Restait à en choisir le lieu ; aucune suggestion émise ne convenait, lorsque l’accord se fit sur celle-ci : les combles, d’un bâtiment élevé pour être détachés du sol, vastes pour pouvoir y déambuler en parlant, hauts pour ne pas s’y heurter le crâne, dans une capitale pour rayonner.
Le tirage au sort parmi la multitude de bâtiments possibles désigna une charpente en bois ancienne, dans une île au centre d’une capitale. Un lieu célèbre. La réunion s’annonçait bien ; rendez-vous fut pris pour le lendemain 17 heures.
L’ordre du jour fut immédiatement engagé, puis comme la dispute durait le froid les gagnait, « j'ai froid » dit l'un, aussitôt il glana de-ci de-là du petit bois, alors que l'autre faute d'allumette tira des fils électriques pour créer l'étincelle nécessaire à l'allumage de ce chauffage improvisé.
Lors d’une halte en revenant chez eux, ils observèrent que l’ampleur prise par leur modeste foyer provoquait la destruction de la charpente par son embrasement.