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PASSION

Dunia Ambatlle

Passion rouge, bien sûr. La Passion est vermeille et hirsute. Terrifiante, monstre désirable et répugnant à la fois. Car la Passion est douleur, maladie, comme le montre l’origine même du terme, pathos. Il faudrait la refuser, la haïr, la fuir, comme on haïrait le cancer rongeant nos entrailles, nos cerveaux et nos cœurs. Elle est viscérale, physique, fille stupide d’une raison tronquée incapable d’émettre un jugement cohérent.
C’en est fait de l’intelligence.
Passion et démesure, bien sûr. Mère des créations les plus absurdes et les plus belles. Passionnés pour…, passionnés de…. On n’est plus les hôtes de nos propres corps. Sortir de soi-même pour assouvir sa faim, pour atteindre l’objet d’un désir aveugle. Illusion d’un mouvement que l’on voudrait perpétuel mais qui ne se résume qu’en une fuite en avant inutile.
C’en est fait de l’équilibre.
Passion et désordre, bien sûr. Éclaboussures de rêves et d’angoisses. Ses racines plongent au plus profond des maux que les dogmes balbutiants condamnent, l’Envie, l’Orgueil. Elle se colore au prisme de la Luxure et de l’Avarice, se reflète dans le miroir de la Colère ou de la Paresse, pour goûter, Gourmande, aux festins qui font mal.
C’en est fait de l’ataraxie.
Passion éphémère, bien sûr. La ruée ardente ne peut être que temporaire car elle serait insupportable, meurtrière, à long terme. Comment vivre vingt ans de passion sans en perdre le souffle ? Elle se transforme alors en amour ou bien disparaît à jamais. Le fou rire devient simple sourire ou s’efface. Le feu qui faisait scintiller les yeux devient braise palpitante, ou s’éteint, charbon froid.
C’en est fait des souvenirs exacerbés et illusoires.
La Passion écartèle et nos bras ouverts au monde, dans une crucifixion désirée, appellent tous les oiseaux maudits et les ailes déchirées d’archanges déchus.

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