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ANNLU FOSSIER

AnnLu Fossier, autodidacte et photographe amatrice, vit à Paris.
J’ai commencé la photographie dans les années 80, avec l’argentique donc. D’abord le Noir et Blanc dont je n’avais pas encore compris la difficulté. Au bout de quelques années j’ai pu m’acheter un agrandisseur et je me suis alors essayée à cet autre aspect de la photographie. Mais étrangement cela ne m’a pas attirée alors qu’aujourd’hui je pratique la post-production avec le plus grand bonheur.
Puis je suis passée à la diapo, principalement pour photographier les copains musiciens. Diapo bien souvent cramée car poussée à l’excès pour échapper aux lieux enfumés et mal éclairés. Mais diapo aussi pour rapporter des images du monde.
J’ai toujours été attirée par le réel, par le mouvement et par ce que j’appelle « la poésie de l’ordinaire ». C’est la ligne directrice de mon travail, une photographie d’un quotidien devenu presqu’invisible à force d’être ordinaire.
L’autre aspect essentiel pour moi dans mon travail, c’est l’ensemble indissociable, l’imbrication de 3 éléments que sont l’image, le texte et le support, en l'occurrence surtout celui des affiches abîmées, par le temps comme par la main de l'homme. Je ne conçois plus d’apporter des émotions, de présenter autrement mes histoires. 

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Est-ce que je t’aime plus que ma propre mort ?
Il y a des traditions dérangeantes pour ceux qui ne baignent pas dedans. C’est bien le cas de la corrida, sujet controversé s’il en est. Il me semble que pour se prononcer pour ou contre il faut avoir assisté au moins une fois à ce moment. 
Car il y reste tout de même une interrogation, un sentiment mitigé entre l’horreur face à l’irrémédiable fin de l’animal et le courage qu’on peut tout de même imaginer pour ce petit homme en face. Une interrogation sur la passion de certains, vivant pourtant dans des mondes à des années-lumière de celui de la tauromachie.
Alors un été en Camargue, je me suis arrêtée aux Saintes-Maries-de-la-Mer, pour essayer de me faire une idée de ces jeux du cirque modernes.
Il y avait dans l’air quelque chose comme de l’excitation mais sans bestialité ni cruauté, sans beuveries et hurlements. Cela a été un premier étonnement pour moi. On se laisserait presque prendre au jeu. Il y a par contre une impression de respect sincère de la part des spectateurs aficionados, autant pour la bête que pour le matador.
Dès le début j’étais ainsi baignée dans ce mélange contradictoire de sentiments.
Oui, quelle étrangeté que ces petits garçons, qui rêvent de partir encore enfants vers l’Espagne, pays de cocagne, pour apprendre ce métier ?! Et puis plus tard de ces hommes, dans ce rapport à l’animal, le respect qu’ils ont envers cette bête montrée comme virile et combative… Sont-ils réellement convaincus ? Ou est-ce la coutume, la tradition qui finit par prendre le dessus dans leur esprit ?! Car le taureau n’est pas agressif, n’attaque pas mais se défend, seul au milieu d’une arène, alors qu’il n’a vécu jusqu’alors qu’en troupeau, viril autant que bon nombre d’autres animaux….
Et le courage de l’homme, qui se cambre devant la bête, comme s’il voulait l’impressionner, comme pour se donner du courage pour approcher ces cornes ? pourtant qui mieux que lui sait que celles-ci sont élimées donc moins dangereuses et surtout faussent ainsi les distances pour l’animal ? Ou du courage face à l’effet des produits dopants qu’un vétérinaire injectera massivement avant le « spectacle » et qui peut-être, au lieu de faire perdre équilibre et force à l’animal, décuplera tout à coup sa peur et son affolement ? Et voilà justement sous mes yeux un toréador trop sûr de lui, qui se fait projeter au ciel, transformant ainsi son amour en haine envers le taureau. Je t’aime moi non plus… D’autres ont plus d’élégance et demandent à ce que le taureau soit gracié. Mais peut-on encore parler d’élégance ?
Et puis il y a cet aspect surréaliste, d’un homme mince sanglé dans un costume de paillettes, gainé de bas colorés, chaussé de ballerines et coiffé d’un catogan… Quelle bizarrerie que ce costume aux accessoires féminins pour un homme qui pense mettre sa virilité en jeu dans ces arènes ?! Quel rapport étrange, comme un amant, un amour absolu qui ne peut finir que par la mort de l’un des deux.
Le retour à la réalité est brutal puisque c’est toujours le même qui ferme les yeux, à quelques exceptions près. Et le courage doit-il vraiment passer par le sang et la mort ?
En regardant les centaines de photos faites ce jour là, j’y ai trouvé sans mal un désir de traduire ce que pouvait ressentir cet animal. Sa naïveté face à l'homme qui l'a nourri et qui dit l'aimer, comme on aime un fier ennemi. Sa force, sa corpulence, pourtant mise à mal avant même d'entrer dans ce cercle de la mort. Son combat perdu d'avance et pourtant sa résilience malgré la peur, l'épuisement, les blessures, non pas à attaquer mais à se défendre. 
Et c'est bien là que réside la tricherie: l'un est venu pour tuer et l'autre ne le sait pas.


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