BENOÎT LAJUDIE
Photographe autodidacte, je pratique intensément la photo depuis que je suis retraité.
Initialement, ma vision de la photo est humaniste. J’aime photographier les gens comme ils vivent et réaliser des portraits vrais, en situation et en lumière naturelles. Les séries Vivre, Dans la rue : Portraits et la vidéo Every Kind of People en attestent. De même, mais dans une tout autre perspective, je recherche la vie jusqu’au sein des sculptures, la série Elles sont vivantes l’illustre. J’aime également raconter des histoires avec des photos. La série Renaissance à Belleville témoigne de ce que j’ai observé en sillonnant ce quartier de Paris : un quartier populaire maltraité par un urbanisme violent, que des luttes déterminées des habitants sont parvenues à vaincre. Aujourd’hui, Belleville, mais aussi Charonne et Ménilmontant, vivent une urbanité sereine où les activités artistiques occupent une place majeure.
J’ai, récemment, évolué vers l’abstraction avec la série Au-delà des objets. Il s’agit, à partir d’objets purement graphiques, de réaliser de simples compositions et, simultanément, d’inviter les spectateurs à stimuler leur propre créativité en interprétant eux-mêmes ces images. Cette démarche, qui s’ajoute aux autres sans s’y substituer, révèle l’importance, dans ma formation artistique, de la peinture, qui a cultivé en moi une grande sensibilité à la composition et à la couleur. Si le numérique permet de sublimer les images sur les écrans et de les partager sur nos sites et sur les réseaux sociaux, le papier reste une dimension irremplaçable de la photo et, pour cette raison, j’imprime moi-même mes images fine art. Je réalise également des animations vidéo avec mes
photos.
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C’est lors d’un parcours consacré à l’histoire du design dans le cadre de l’École du Louvre, à Paris, que j’ai conçu le projet de photographier des objets de telle sorte que mes images puissent, pour des spectateurs, constituer des univers à part entière et suggérer, chez eux, de multiples significations qui dépassent mes intentions photographiques initiales pour être, en quelque sorte, subverties par le regard des autres.
Ainsi, les objets photographiques que je présente ne sont pas directement et incontestablement reconnaissables. Ils tendent à se présenter comme des énigmes qui sont autant d’espaces offerts à l’imagination du spectateur. Mon intention créative est double : d’une part, et de façon systématique, créer une structure graphique, par des choix de composition, qui peut faire sens en elle-même. C’est là que se fonde le caractère abstrait de ces photos. D’autre part, stimuler l’autonomie imaginaire du spectateur ou de la spectatrice en l’invitant, par ces images purement graphiques, à interpréter ce qu’elle ou il voit et à inventer sa propre réalité. Il s’agit pour moi d’aller au-delà des objets, de leur faire dire autre chose que ce que dit leur réalité manifeste. Ma démarche a deux conséquences immédiates en ce qui concerne la nomination des photos. En premier lieu utiliser le vocable anglais « Beyond objects » qui traduit mieux que le français l’idée d’aller simultanément au-dedans, au-delà et au travers des objets. En second lieu, l’impossibilité d’attribuer un nom formel aux images dont un effet immédiat serait de révéler une intention photographique là où il s’agit d’ouvrir un espace à la créativité des spectateurs. C’est pourquoi les images sont nommées Beyond Objects suivi d’un numéro.