L'INTERVIEW D'EMMANUEL TÉCLÈS

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Que représente pour vous le travail « Les fleurs du chaos » ?

« Les fleurs du chaos », c’est la rencontre entre la passion des lieux abandonnés et l’envie de travailler avec des modèles pour y apporter une touche personnelle, un sens, une teinte, une histoire…

Les deux items se complètent et stimulent mes inspirations. Les ruines laissent apparaitre des ambiances d’âmes errantes, de vies passées. Réintroduire l’humain par le modèle apporte une nouvelle narration au lieu, un hommage. Le choix du féminin est fait pour incarner à la fois  la grâce comme le diabolique, un certain maléfice poétique. L’ensemble, que je souhaite insolite, met en lumière des lieux dans l’ombre et centre le regard sur une frontière, une interface entre des vestiges, leurs vécus, leurs rôles théâtraux et un modèle qui ré-habille le lieu avec son identité, son style. Le résultat se veut insolite, aux poésies multiples, étonnantes, si possible détonnantes, parfois même frissonnantes. Les fleurs sont en général belles, certaines ont des vertus, d’autres piquent, elles ne faneront  pas sur ces clichés et composeront dans ces vestiges le bouquet de l’Apocalypse.  

 

 

Pourquoi avoir voulu en faire un livre ?

Le livre est une consécration, un aboutissement, une étape voire une transition où j’ai envie de « poser mon travail » sur le papier, tel un recueil. Ce livre va résumer sept ans de travail dans ces diverses ambiances, il me permet de me situer et de me relancer pour mieux poursuivre, peut-être en mieux ou autrement. Il fallait que j’accomplisse, que « j’accouche » de ce livre, que je me confesse. J’ai envie de donner à voir, d’interroger, envie d’officialiser ces clichés qui quelque part témoignent d’une temporalité créative avec ses messages, ses univers, son style, sa signature. Le livre restera, témoignera, enseignera et aura le mérite d’exister, de promouvoir et d’étendre ma vision de la photographie de ruines avec modèles ou de modèles dans des ruines.

 

 

Comment se déroule une prise de vue ? 

Les prises de vue sont pensées à divers niveaux, tout d’abord les lieux sont repérés et shootés sans modèles. Selon l’ambiance, le ressenti, la lumière, la disposition, je me questionne sur le petit plus à apporter en terme de volumes, de perspectives, de mise en scènes… 

Je ressens assez vite si la notion du modèle peut être intéressante, ré-humaniser à ma façon les lieux pour en créer quelque chose d’unique. Évidemment,  le lieu doit être sans danger pour venir à deux avec du matériel…

Par la suite, je m’organise pour avoir des lumières basses, le matin ou avec une météo nuageuse. En extérieur, je m’accommode du  ciel du moment. Les shoots ne sont pas très longs, de vingt minutes à une heure car les poses sont assez fatigantes et au final, je cherche à perfectionner 4 à 5 poses différentes pré-imaginées. Parfois le lieu me présente une autre facette, la pose prévue n’est pas du tout exploitée et est remplacée par un autre angle du même lieu, une idée nuancée, l’adaptation est permanente in situ. Tous les shoots sont réalisés par mes soins, le choix du lieu et des tenues, la logistique des horaires, du matériel et des accessoires. 

 

 

Pourquoi choisir des lieux abandonnés ?

Les lieux abandonnés, c’est devenu une part de moi, la solitude, le silence, la nostalgie… Je vis ces lieux, j’y trouve une certaine plénitude. Cachés de tous, ils maintiennent une atmosphère paisible, ils appellent à l’introspection, ils nous renvoient à notre être intérieur. 

Les ruines m’ont toujours fasciné, elles touchent mon affect à travers leurs histoires, leurs architectures, leurs mémoires, leurs poésies et ambiances fantastiques… Elles sont le décor et le terrain de jeux idéal pour créer quelque chose d’intemporel, de différent, de singulier.

 

 

À qui destinez-vous ce livre ?

Je destine ce livre aux amoureux des ruines, aux rêveurs, aux poètes, aux curieux, à ceux qui sont sensibles au travail avec modèles dans lequel je montre un travail d’auteur dans son entièreté. D’un point de vue plus personnel, j’ai envie de montrer également un travail qui a évolué, qui s’est affirmé au fil des années. 

J’aime beaucoup l’objet livre et toucher des personnes qui veulent un objet rare et insolite de par sa qualité et son contenu. Le message global, lui, est sans fin, il fait aussi appel à l’imaginaire des lecteurs, leurs références, leurs vécus…

Je souhaite faire vivre ce travail par le biais d’une actualité éditée et mettre en lumière ce projet, voire cette démarche méthodologique photographique, pour attirer la curiosité des secteurs professionnels sur une production fantasmagorique.

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