EN COMPAGNIE D'HERVÉ GUIBERT de Philippe Galanopoulos
La maquette, l’impression et le choix du papier sont réfléchis avec l'auteur afin que l’ouvrage corresponde avec le plus de justesse possible à son travail. Le livre de Philippe Galanopoulos sera imprimé sur un papier semi-mat 170 g.
Ni carnet de bord ni récit, les textes disent, illustrent ce que ne montrent les images. La photographie de Philippe Galanopoulos donne vie au détour d’une rue aux souvenirs d’un homme que le présent décline souvent à des contours d’encre et d’halogénures.
"En compagnie d’Hervé Guibert" est une balade photographique autant qu’un recueil de souvenirs fragmentés qui éveillent la mémoire et interrogent le regard.
Édition limitée, numérotée, signée par le photographe et certifiée par un cachet à froid. Format 15x21 cm (format cahier), 136 pages. 54 photographies.
INTERVIEW DE PHILIPPE GALANOPOULOS
Comment êtes-vous venu à la photographie ?Un jour mon père m’a appelé. Je devais avoir seize ou dix-sept ans (j’en ai aujourd’hui quarante-cinq). Il était dans son bureau, il a ouvert les tiroirs de son secrétaire et les portes de sa penderie, il m’a donné toutes sortes de choses dont il ne se servait plus, de petites choses qu’il voulait me transmettre. Dans une malle de couleur fauve se trouvaient plusieurs boîtiers argentiques, des objectifs, des flashs, un ou deux polaroids aussi. Il a prononcé des mots qui n’avaient aucun sens pour moi – et qui n’en ont d’ailleurs toujours pas, ou si peu : obturateur, ouverture, vitesse, photosensibilité, etc. J’ignore quand, où et pourquoi il avait acquis tout ce matériel, lui qui, à ma connaissance, n’a jamais pris la moindre photo, si ce n’est dans un contexte familial, pour Noël, le premier de l’an ou pour l’anniversaire de ses enfants. À l’époque, j’étais parfaitement étranger à la photographie, mon univers, c’était le foot et la lecture, le rock et l’écriture. Voilà comment je me suis retrouvé avec un boîtier entre les mains, un instrument magique capable de figer le mouvant, de produire des images, de représenter le monde à portée de vue. J’ai acheté un film, du noir et blanc ; j’ai pris une première photo juste à deux pas de chez moi, j’ai poursuivi ma balade dans le quartier, et puis, toujours plus loin, j’ai poussé jusqu’au lac, heureux comme tout de regarder cet environnement si familier à travers l’objectif de mon appareil. Tout le film y est passé, en une ou deux heures seulement. J’ai malheureusement perdu ce premier film lors d’un déménagement, mais je me rappelle qu’il y avait sur la pellicule des chemins de terre, des empreintes de roue, le lac, des champs, des chevaux, des arbres, un échassier, le ciel et des nuages… C’est avec ce même boîtier, un Canon AV-1, le seul au reste que j’utilise depuis près de trente ans, que j’ai réalisé ce livre, En compagnie d’Hervé Guibert, retrouvant, en un sens, cette part d’errance photographique et de simplicité documentaire à l’origine de ma passion, ou plutôt de mon enivrement d’adolescent.
Pourquoi avoir choisi Hervé Guibert au-delà d’un article de presse ou d’un nom de rue ?
L’article de presse que je cite au début du livre a été un élément déclencheur, rien de plus ; le trentième anniversaire de la mort d’Hervé Guibert, une simple coïncidence. J’étais préparé à travailler sur sa vie et son œuvre depuis longtemps, depuis 2007 pour être précis, et la lecture du journal de sa maladie, narrée de manière clinique, dans À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie… et puis dans Le Protocole compassionnel. Je venais de soutenir une thèse en histoire de la médecine et je voulais désormais ouvrir mes recherches à l’étude de l’anthropologie médicale par le biais, notamment, de sources littéraires ou de témoignages de patients. Dans le livre, je fais juste une petite allusion à mon passé universitaire, lorsque j’évoque les écorchés de Jacques Gautier d’Agoty et mon goût déjà ancien pour les planches anatomiques. La photographie qui illustre mon propos a été prise rue Jacob, devant la librairie Brieux, avec l’aide de Jean-Bernard Gillot, son propriétaire, un marchand, savant et collectionneur, passionné, qui ferait un magnifique personnage de roman. Je cite ici la rue Jacob, car la topographie – parisienne – occupe une place importante dans le livre : c’est rue Hervé Guibert que débute mon cheminement, et c’est dans cette même rue, un an plus tard, qu’il s’achève. J’ai pris rapidement le parti des lieux et des objets pour contourner le problème insoluble du temps. Pour moi, parler d’Hervé Guibert, c’est évoquer une époque révolue, que je n’ai pas vraiment connue (j’avais quatorze ans en 1991 quand il est mort). Évoquer l’écrivain, le photographe, le diariste, c’était aussi une manière pour moi de questionner des « activités » que je pratique aujourd’hui. Qu’est-ce qu’écrire ? Pourquoi photographier ? Comment tenir à jour la chronique du temps qui passe ? Avec lui, je pouvais poser la question du réel et du fictif, de manière libre, vécue, c’est-à-dire non académique. L’œuvre et la vie d’Hervé Guibert m’ont fourni un point de départ ; pendant un an, j’ai tenu la main d’un fantôme et grâce à lui, j’ai rencontré des personnes formidables, j’ai vu des choses que, sans cela, je n’aurais jamais vues. J’ai le sentiment de mieux le connaître maintenant, non parce que je l’ai beaucoup lu, ou parce qu’on m’en a beaucoup parlé, mais parce qu’au terme de cette aventure singulière, je me connais un petit peu mieux.