TIMELINE, un livre de LIONEL FOURNEAUX
Corridor Éléphant Éditions propose depuis dix ans des livres d’artistes émergents en édition de collection, limitée, numérotée et signée.
Le livre de Lionel Fourneaux est disponible en édition de collection, numérotée, imprimée sur un papier 170 g, avec une couverture pelliculée mate 350 g.
Format 21 x 15 cm. 102 pages. 48 photographies.
C’est un exercice périlleux de poser des mots à côté de/contre une image qui ne demande rien, sinon qu’on la laisse tranquille.. Pourquoi insister ? Tout a été dit, montré, putifié, distribué. C’est une vraie question, se dit-il, faisant ainsi l’économie d’une prise de tête stylistique dont il se sait incapable.
Lionel Fourneaux
L'INTERVIEW DE LIONEL FOURNEAUX
• Comment définiriez-vous l’acte de photographier ?
Photographier, c’est pour éterniser l’éphémère de son passage sur terre, être au plus près des hommes, des femmes et de leurs paysages rencontrés, en restant attentif, toujours curieux. De ce paysage construire en retour le sien comme traversé par ces expériences de sa vie pour que cela fasse sens, pour soi, pour ceux que vous aimez. Curieuse posture que celle du photographe souvent solitaire, au rythme décalé qui s’attarde parfois, souvent, sur des choses qui semblent banales à autrui, mais n’est pas à l’abri d’une certaine paresse du regard parfois. La prise photographique est respectueuse de l’environnement, ne prélève rien d’autre au fond que quelques photons qui viennent insoler les surfaces sensibles pour fabriquer de petites traces à partager au mieux, pour témoigner de cette rencontre unique, irreproductible avec le monde à l’instant T. Surface sensible ! En alerte comme en éveil, comme avec légèreté.
• Existe-t-il (selon vous) un fil conducteur à votre travail tout au long de votre carrière ?
La seule attirance que j’ai pour la carrière est qu’on y extrait de la roche, cette présence minérale immémoriale qui nous donne la clé de la relativité de notre existence sur terre.
J’ai expérimenté dès que possible depuis mes débuts dans la photographie diverses formes de représentations plastiques sans me soucier plus que ça de la constance stylistique indispensable à ce que vous appelez la carrière. On n’a pas manqué de me le reprocher, ma cote en a souffert sans doute ! J’ai commencé une plongée de 20 ans dans les mystères et les merveilles de la photographie argentique. À la recherche du « gris primal », j’ai pris des images de famille, de mes décors, de mes voyages, des images du monde, de l’histoire douloureuse du siècle, des vanités publicitaires, des gros titres des journaux. J’ai flouté des images nettes, brouillé la transparence de l’image autant que possible, j’ai fait cuire des négatifs, je les ai jumelés à des dessins d’enfant, j’en ai jeté d’autres ou les ai perdus.
Puis le temps du numérique est arrivé, au fond rien n’a changé. Une accélération de la cadence…
Comment définir ce fil conducteur comme s’il n’y en avait qu’un ! Pour faire court, un fil tendu entre l’intime et le collectif. Il est possible que mon travail ne soit qu’un journal intime à bien le voir, une réponse en images aux diverses sensations du vivre.
• Pourquoi ce livre ? Qu’est-ce qui vous a poussé ou donné envie d’y associer du texte ?
Dans Timeline, les mots posés à côté de l'image n'ont pas pour vocation de la documenter, l'image n'en a pas besoin, étant souvent vue et comprise immédiatement grâce à son arsenal narratif. Ici le texte est comme un deuxième temps de l'image, il s'en nourrit et s'en écarte presque aussitôt, propose un temps de lecture plus long et des contenus plus intimes, mais discrets.
J'ai commencé à conjuguer texte et image il y a une vingtaine d'années, mais sous une forme plus plasticienne, par intégration de bribes de langage à la machine à écrire à ruban sur des photocopies lourdement encrées d'images argentiques N&B (Bruit de fond), grossissement de la trame offset à partir d'articles de quotidiens (Zapping), détrempe et manipulation des unes empilées du journal Libération (C’était écrit). Depuis la série des Lieux communs, j'ai privilégié un format court d'écriture plus classique, plus littéraire, où le texte serait comme une image de plus, accrochée à l'image photographique tout en portant un contenu différent. Les images produites et distribuées à l’infini par notre société numérique – les réseaux sociaux en particulier – trop vite regardées, disparaissent tout aussi vite qu’elles sont apparues sur nos écrans, avec leurs cohortes de petits cœurs rouges !
Le livre insiste quant à lui dans sa matérialité, c’est un objet présent dans l’espace, sa lecture prend du temps, il se partage. Sa construction est moins spontanée qu’un post lâché sur le net, c’est le fruit d’une collaboration avec un éditeur, une équipe, on n’est plus tout seul ! Ce drôle de roman personnel, après diffusion sur les réseaux, repensé pour le livre, se trouve enfin gravé dans le marbre du papier ! Je me souviens à présent des livres dont il fallait couper les pages avant de pouvoir les lire…
• Quel est, selon vous, le rôle de la photographie, si elle en a un ?
J’aimerais convoquer ici la vision en résumé de Roland Barthes qui me paraît correspondre le mieux à ma pratique personnelle.
Roland Barthes définit la photographie dans son ouvrage La Chambre claire (1980) comme un médium unique qui capture un moment précis du passé, un "ça-a-été". Pour Barthes, la photographie se distingue par sa capacité à attester de l'existence réelle d'un moment, d'une personne ou d'un objet. Il explore deux concepts clés : le studium, qui représente l'intérêt culturel, politique ou esthétique d'une photo, et le punctum, un détail poignant ou personnel qui "percute" le spectateur. Selon Barthes, la photographie est à la fois un témoignage du réel et une expérience subjective, chargée de mémoire et d'émotion.